"Je suis une petite tomate triste. Triste car j’ai perdu mon identité.
Avant d’arriver ici, j’ai été transportée depuis le sud de l’Espagne.
Mais c’est ici que s’arrête le fantasme du site touristique paradisiaque et des souvenirs de vacances.
Car j’ai été cultivée en grande quantité et à l’identique.
Ah j’ai subi de nombreux contrôles !
Et les producteurs qui me cultivent assurent sur leur site que je suis issue d’une culture responsable « Bio ».
Il parait que dans ce pays, la France,
ma famille compte plus de 300 variétés de tomates waouh !
Ici mon
producteur n’a sélectionné que 5 d’entre elles. Mon patrimoine génétique a été
modifié et ma plante mère a reçu des
substances pour que je sois « présentable » et que j’arrive désirable
dans le magasin où l’être humain m’a achetée.
Les normes des modes de culture
qui régissent le label « Agriculture Biologique » ne sont pas les
mêmes selon les pays et ici des intrants chimiques sont autorisés.
Pour que je sois ronde et à la taille
voulue le plus vite possible, on m’arrose beaucoup. Ce que je déteste ! Je
suis le fruit d’une plante du soleil, pas une herbe folle qui est née de la
dernière pluie. De ma région de
provenance, de nombreux puits clandestins pompent actuellement les nappes
phréatiques qui sont en cours d’assèchement dans la région. Mes amis les arbres
m’ont alertée : la désalinisation à gros volume de l’eau de mer pour
l’irrigation provoque une déviance des courants marins. Et une érosion massive
des côtes de mon beau pays est à venir.
Du point de vue nutritif, je ne peux donner que ce que je reçois !
Mon énergie de vie est artificielle car je dois être « en fruit »
toute l’année et le peu de vitamines que je pourrais transmettre est sensible à
la lumière et à la chaleur. Alors les stockages en frigos, pour me conserver le plus
longtemps possible, les détruisent. Et s’il me reste des principes vitaminiques
actifs, les humains d’ici sont en phase hivernale et n’en ont strictement pas
besoin. Car je suis une plante de l’été. J’aime la chaleur du soleil, le parfum
de ma plante mère et dans cet élan je produis une fleur d’un jaune lumineux qui
grossit pour abriter mes graines afin de me reproduire comme tout être vivant.
Mais ceci n’est pas possible car je suis issue d’un hybride F1 ... comme la grande
majorité des semences utilisées sous le label A.B.
A cause des manipulations génétiques
dont j’ai fait l’objet, le nombre de mes chromosomes est très élevé et l’être
humain qui va m’avaler devra faire confiance à son système immunitaire… ou
plutôt le remercier ! En effet, arrivé au niveau de l’intestin grêle, il est fort possible que le microbiote de l’être humain identifie les
éléments qui me constituent comme étant inconnus. Et donc potentiellement
toxiques. Et là, c’est une succession de troubles possibles pour lui. Des
troubles qui peuvent se manifester par de la fatigue ou des douleurs
abdominales en passant par des signes bien plus invalidants. Mais attendez
votre pharmacie vous appelle… votre ordonnance est prête ! Oh je sais, je
ne suis qu’une petite tomate bien impuissante !
Certains me répondront que ma couleur indique une bonne teneur en lycopène, une substance qui est un des précurseurs de la vitamine A. Ce qui aurait de nombreuses vertus dont la prévention du cancer. Alors là, je vais me mettre en colère et virer encore plus rouge ! Et je répondrai qu’au lieu de chercher des aliments « médicament », il serait plutôt souhaitable de commencer par retirer les aliments « poison » tels que les additifs alimentaires et les produits issus des animaux dont la viande rouge reconnue scientifiquement comme étant cancérigène. Car les animaux, aussi, sont mes amis.
Ah j’allais oublier : l’emballage qui a servi à mon transport en petite quantité dans le magasin où l’être humain m’a achetée est issu de la pétrochimie. Cette substance ne se retraite pas et je suis triste car je suis vendue sur l’autre bord de cette même mer qui m’a vu naître et il y a fort à parier que l’emballage finira dans l’eau et contribuera à nuire à un animal aquatique.
Je suis une petite tomate venue d’Espagne. Ne m’appelez plus jamais Bio ! "